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le couvercle massif et voit au fond du coffre une courte-pointe de coton, soigneusement pliée. Un cabinet de laque dont elle explore les tiroirs, cache des papiers, peut-être une confession de crimes atroces, écrite par un meurtrier dont l’âme fut torturée par un tardif remords : les papiers jaunis sont des notes de blanchissage.

Château gothique, ténèbres de la nuit, tempête, coffres vermoulus, manuscrits indéchiffrables, décor et accessoires du roman fantastique, sont ainsi présentés à tour de rôle sous deux aspects opposés : d’abord sous l’aspect conventionnel qu’ils revêtent dans l’œuvre de Mrs. Radcliffe, puis sous des apparences moins pittoresques, mais plus fidèles à la réalité. À chaque effet, à chaque scène traditionnelle du roman imité des « Mystères d’Udolpho », la satire de Jane Austen apporte un ironique démenti. L’imagination de la naïve Catherine, est constamment ramenée de ses visions chimériques et romanesques au bon sens et à la réalité. Nous retrouvons ici, avec les éléments du roman fantastique, le procédé dont les romanciers de l’école de la terreur se servent pour donner une apparence de vraisemblance et de logique aux événements les plus improbables. Après avoir terrifié ses lecteurs par des prodiges, des fantômes, des apparitions, lorsqu’elle a créé une atmosphère de mystère et substitué le surnaturel au réel, Mrs. Radcliffe donne, au dernier chapitre de ses romans, une explication logique des prodiges, apparitions ou évocations, qu’elle avait d’abord présentés comme dépassant ce que peut concevoir et accepter la raison humaine. Cette réfutation de l’absurde et de l’invraisemblable tarde moins dans le roman de Jane Austen ; chaque péripétie romanesque de « L’abbaye de Northanger » s’achève à son tour sur une note comique de désillusion, de contraste ironique entre ce qu’attendait une imagination faussée par de sottes lectures et ce que la réalité peut apporter.

Cette satire ne se borne pas à mettre en lumière ce qu’il y a de ridicule et d’outré dans le fonds et dans la forme du roman romanesque ; elle s’accompagne d’une