Page:Annales de la propagation de la foi, Tome 19, 1847.djvu/650

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quelque souvenir au moment de se séparer de nous. Alors, prenant un dictionnaire en quatre langues, qu'il nous avait vu souvent feuilleter avec intérêt, il nous demanda si cet ouvrage pouvait nous être agréable ; nous le reçûmes, et nous fûmes heureux de pouvoir lui offrir en retour un microscope que nous avions apporté de France, et qui sembla lui faire d'autant plus de plaisir qu'on n'en avait jamais vu dans le pays.

« Au moment de nous quitter, le Régent se leva et nous adressa ces mots pleins d'espérances : «  Vous partez ; mais vous êtes des hommes d'un courage étonnant, puisque vous avez pu venir jusqu'ici. Je sais que vous avez dans la tête une grande résolution .... Vous me comprenez assez ; les circonstances ne permettent pas d'en dire d'avantage. » — Telle fut la manière significative dont nous primes congé du premier ministre thibétain.

« Nous partîmes de Lassa le 26 février 1846, accompagnés d'une escorte chinoise, commise à cet effet par le délégué extraordinaire. Depuis les premiers jours de notre marche jusqu'aux frontières de Chine, nous nous aperçûmes que le Régent avait envoyé ordre à tous les chefs de districts par où nous devions passer, d'apporter le plus d'adoucissement qu'ils pourraient aux fatigues de notre route ; mais elle était de nature à n'en comporter aucun, et chaque jour venait confirmer en nous le soupçon qu'on ne nous avait forcés d'entreprendre ce voyage que dans l'espérance de nous y voir succomber. Toujours ensevelis dans la neige, toujours gravissant des montagnes inaccessibles, ou suspendus sur des gouffres affreux, voilà quelle fut notre course pendant quatre mois entiers. Aussi le mandarin militaire qui nous accompagnait, quoiqu'il voyageât en chaise à porteur, ne put y résister et mourut