Page:Annales de la propagation de la foi, Tome 19, 1847.djvu/763

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et nous devions nous résoudre à passer à cheval sur le penchant d'abîmes dont l'escarpement et la profondeur faisaient frémir. Quelquefois même il n'y avait qu'un simple tronc d'arbre, non écorcé, qu'on avait couché là pour suppléer, au dessus du gouffre, à l'interruption du sentier. Au moindre faux pas, le cheval et son cavalier roulaient ensemble et disparaissaient sans retour.

La neige tomba presque continuellement pendant notre voyage ; les montagnes en étaient couvertes ; dans le fond des vallées il s'en trouvait des agglomérations immenses, faites par les avalanches amoncelées les unes sur les autres. Il arrivait alors que la neige manquant parfois sous les pieds, le voyageur s'enfonçait et disparaissait comme dans le fond d'un puits. Nous eûmes ainsi bien des accidents à déplorer dans le cours de cette longue route : parmi les soldats de l'escorte, plusieurs périrent, ou précipités du haut des rochers, ou ensevelis sous les neiges.

De ce nombre fut le mandarin Ly, notre conducteur en chef, qui roula du sommet d'une montagne et mourut quelques jours après. Un autre mandarin, qui s'était joint à nous, succomba de même aux misères de cette traversée, et l'un de ses neveux qui l'accompagnait, jeune homme en voie de parvenir aux plus brillantes faveurs de la fortune, ne lui survécut que de quelques jours.

Les cadavres de ces dignitaires furent mis dans des bières et portés par des satellites. Nous présentions alors un spectacle bien capable de dessiller les yeux à ces aveugles : des mandarins forcés avec leurs bandes à jouer leur vie dans cet affreux désert, tant de dépenses, tant de fatigues et de misères de toute espèce, tout cela était le fruit de la haine du gouvernement chinois pour la Religion, et de son acharnement à poursuivre