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annales de la société j. j. rousseau

s’y établissait, y mangeait sans façon. Transporté de zèle pour mon service, il ne parlait jamais de moi que les larmes aux yeux, mais quand il venait me voir, il gardait le plus profond silence sur toutes ces liaisons, et sur tout ce qu’il savait devoir m’intéresser. Au lieu de me dire ce qu’il avait appris, ou dit, ou vu qui m’intéressait, il m’écoutait, m’interrogeait même. Il ne savait jamais rien de Paris que ce que je lui en apprenais ; enfin, quoique tout le monde me parlât de lui, jamais il ne me parlait de personne il n’était secret et mystérieux qu’avec son ami » [1].

Mais Coindet avait compris très vite les travers de Rousseau, ses défiances, ses ombrages, son penchant à croire aux complots, et comme l’a justement observé Saint-Marc Girardin, de là, la réserve prudente de l’ami dans ses conversations avec le philosophe, de là la règle qu’il s’était faite de ne point lui répéter ce qu’on disait de lui[2].

Coindet recevait mille gâteries de la marquise de Verdelin. En le choyant de la sorte, elle croyait être agréable à Jean-Jacques.

« J’ai peur, mon voisin, que le gâteau ne se soit pas bien conservé et que M. Coindet ne prenne pas de mes ragoûts l’opinion que je voudrais lui en donner. Permettez que je lui en envoie un qui sort du four et qui j’espère bien arrivera tout chaud, avec une bouteille de vin qui sera de mon cru, c’est-à-dire des vignes de mon père, récolté l’année que j’ai été mariée. Je voudrais que vous eussiez autant de plaisir à le boire que j’en ai eu à le recueillir si. » [3].

  1. Confessions. Livre X.
  2. Saint Marc Girardin. T. II, p. 259.
  3. Correspondance générale, T. V, p. 215.