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DE LA LANGUE

des nombres ; et il suffirait pour s’en convaincre de tenter le moindre calcul sur des nombres écrits dans nos langues vulgaires[1].

IX. Si la brièveté du langage et de l’écriture est d’un si grand avantage, à plus forte raison, doit-on ne point être obligé de recourir à des périphrases pour désigner des objets qui sont de nature à être fréquemment indiqués à ceux à qui l’on parle ou pour qui l’on écrit. N’a-t-on pas lieu d’être surpris que, par exemple, tandis que nous avons des mots pour exprimer, soit la double ordonnée qui passe par le foyer d’une section conique, soit la droite menée du foyer à l’un quelconque des points de la courbe, soit encore la distance de ce foyer au centre, nous n’en ayons aucun pour désigner soit la perpendiculaire sur le milieu d’une droite, soit la droite qui divise un angle en deux parties égales ? et doit-on être surpris, d’après cela, que tant de théorèmes dont l’énoncé pourrait être très-court, ne puissent être exprimés qu’en beaucoup de mots ; ce qui les rend nécessairement moins intelligibles et plus difficiles à retenir. Le mot projection peut être d’un emploi très-utile dans la langue des élémens de la géométrie ; et cependant, avant M. Francœur, personne n’avait songé à l’y introduire. Il importe d’ailleurs d’autant plus d’imposer des noms à chacun des objets sur lesquels on peut être appelé à diriger sa pensée, que souvent, à défaut de dénomination, on les perd totalement de vue, à peu près comme on oublie dans un coin de bibliothèque un livre dont le dos ne porte aucune indication. Par

  1. L’inventeur de la Sténographie remarque, dans la préface de son ouvrage, que ceux qui se sont rendu bien familière cette écriture abrégée, éprouvent un plaisir tout particulier à lire des livres et manuscrits où elle est employée, et cela est très-facile à croire et à comprendre. On éprouverait une semblable jouissance à entendre un orateur s’exprimant dans une langue qui lui permettrait d’exprimer clairement, en quelques minutes, ce que nos langues ne permettent de rendre que dans l’intervalle de plusieurs heures.
    J. D. G.