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ANNALES DES SCIENCES PSYCHIQUES.

voyage, je voyais non seulement mentalement mais comme objectivement les paysages décrits, etc. Cette faculté, apparemment, avait pour base un grand développement de la vie subjective des appareils nerveux, développement dû sans doute aux études que j’avais faites de ces appareils, de leurs fonctions subjectives, et des phénomènes hypnagogiques. Je suis complètement d’accord avec Purkinge, Johannes Müller, Herschel, Fechner, etc., sur l’idée que plus on cultive ces phénomènes, plus ils se développent.

Il va sans dire qu’avec une vie subjective fortement développée, mon système nerveux me donnait de temps en temps des phénomènes hallucinatoires indépendants de ma volonté. Ainsi, je connais pour l’avoir éprouvée l’hallucination hypnagogique décrite par Gœthe, et qui consiste en ce qu’on aperçoit un bouquet de fleurs, du milieu duquel sortent sans cesse des fleurs nouvelles riches en couleurs, et en formes variées. Le même phénomène se répète chez moi avec les visages humains, qui apparaissent pour se transformer continuellement, de telle sorte qu’il me semble que du milieu du visage que je vois, devant moi dans l’obscurité, en sort un autre, et ainsi de suite défile une série infinie des visages hideux ou beaux. J’ai plusieurs fois remarqué que par les efforts de ma volonté je puis changer le caractère de ces images hypnagogiques.

Cependant, je dois dire que pendant toute ma vie consciente j’ai de temps en temps un fantôme visuel ou une apparition hallucinatoire, qui reste complètement indépendante de ma volonté, et qui m’apparaît tantôt plusieurs fois par jour, tantôt rarement, après des périodes de temps plus ou moins longues. Ce fantôme visuel consiste en une étoile très brillante, ayant la grandeur de l’étoile du soir (Vénus). Elle m’apparaît ordinairement à une certaine distance de moi, suspendue au milieu d’une chambre ; mais quelquefois elle s’approche de moi et commence à briller tantôt sur mon épaule, tantôt sur ma poitrine. Une fois, alors que je me trouvais devant un miroir, je l’ai aperçue sur ma tête brillant au milieu de mes cheveux, et cette apparition me semblait si réelle, qu’involontairement j’ai porté mes mains vers elle,