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LE PESSIMISME BRAHMANIQUE

Manou montreront clairement quels étaient les idées et le but des yatis en brisant, autant que faire se pouvait, avec les choses mondaines.

« Qu’il considère, est-il dit (vi, 61 et seqq.), les fins de l’homme telles qu’elles résultent de ses œuvres et de ses fautes, sa chute (possible) dans l’enfer et les châtiments (qui l’attendent) dans le séjour de Yama (le dieu de la mort) ;

« La privation (à laquelle il est exposé dès cette vie) des choses qui lui sont agréables et les relations (forcées) avec celles qui ne lui agréent pas ; la façon dont il tombe au pouvoir de la vieillesse et dont il est tourmenté par la maladie ;

« La nécessité où il est de quitter ce corps ; sa renaissance sous la forme d’un nouveau fœtus et les passages de l’âme dans des milliers de millions de matrices ;

« Le malheur qui résulte pour les hommes de l’oubli du devoir ; le bonheur éternel qu’ils recueillent dans la pratique du devoir.

« Qu’il ait en vue la subtilité (le caractère immatériel) de l’âme suprême et la renaissance (indéfinie) dans des corps supérieurs et inférieurs, (et qu’on conséquence) il observe son devoir, même quand il est l’objet de mauvais traitements… Qu’il soit égal (c’est- à-dire bon) envers tous les êtres…

« Qu’il rejette cette demeure des éléments (le corps) dont la charpente est d’os munis de nerfs, qui est comme frotté d’un collyre composé de chair et de sang, qui est recouvert de peau, qui sent mauvais, et qui est rempli d’excréments, — ce corps exposé à la vieillesse et à la souffrance, — ce corps malsain, séjour de maladies et (essentiellement) mortel.

« Laissant ses bonnes œuvres à ceux qui lui sont chers et ses méfaits à ceux qui lui sont odieux, il s’unit à Brahma éternel par la pratique de la méditation extatique.

« Quand il est conditionné intellectuellement de telle sorte qu’il n’est plus accessible à aucune passion (à aucun sentiment), il obtient le bonheur éternel ici-bas et après la mort. »

Cette théorie du renoncement fondée sur la nature périssable des choses temporelles et le désir d’échapper pour jamais, par l’absorption dans l’âme suprême, aux vicissitudes de la transmigration, a été poussée dans l’Inde à ses dernières limites, et nous trouvons dans un traité du viiie au ixe siècle de no-