Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/159

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dirigeât, il est certain que sous son règne les antiques haines s’apaisèrent, qu’il put réformer les abus et réorganiser l’administration en divisant le pays en provinces et districts dont les chefs indigènes ou chinois furent placés sous la direction suprême de ce même P’agspa, auquel il décerna le titre de Ta-pao-fa-wang « Roi de la grande et précieuse Loi » avec un pouvoir temporel et spirituel si étendu que, sauf le nom, on doit peut-être faire remonter jusqu’à lui l’institution première de la magistrature suprême du Dalaï-Lama[1]. Les successeurs de Khoubilaï continuèrent sa politique paternelle et libérale avec un égal succès sans doute, car pendant toute la durée de leur dynastie, connue sous le nom de Youen (1260-1341), on n’entendit parler d’aucune insurrection tibétaine.

2. Histoire moderne. — La même ligne de conduite, ferme et conciliante à la fois, fut suivie par la dynastie des Ming (1368-1016) qui, pour mieux assurer la tranquillité du Tibet, combla de faveurs et de titres les chefs du pays et surtout ceux du clergé qu’elle avait tout intérêt à gagner afin de profiter de son immense influence sur un peuple dévot et superstitieux à l’excès[2]. De plus, spéculant sur la passion bien connue des Tibétains pour le négoce, elle sut absorber leur attention par le développement qu’elle s’efforça de donner au commerce, et, pour achever de s’attacher les chefs, ajouter aux honneurs et aux fonctions qu’elle leur prodiguait, l’appât des grosses fortunes rapidement acquises, grâce à de fructueux privilèges et monopoles. Aussi l’histoire du Tibet reste-t-elle muette pendant toute cette période de prospérité, où la paix semble n’avoir été troublée que par des querelles intimes d’ambitions

  1. De même que le Dalaï-Lama est une incarnation de Tchan-ré-zi, P’ags-pa est l’incarnation de Jam-pa’i ou Manjuçri.
  2. Dans maintes circonstances, les Lamas ont donné le signal de la révolte, ou contribué par leurs exhortations à prolonger la résistance.