Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/60

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mencement de chaque nouvelle année. Celui des lamas (car les juges appartiennent presque toujours au clergé) qui est assez riche pour acheter la charge, est proclamé juge, et lui-même, armé d’une canne d’argent, vient annoncer sa nouvelle dignité aux habitants de la ville. C’est le signal d’une fuite générale chez tous les artisans aisés, car, pendant vingt-trois jours, le juge impose les amendes à son gré et s’en attribue le profit[1]. »

L’État indépendant de Boutan (’Broug-pa) possède deux souverains : l’un spirituel, appelé Dharma-râja « Roi de la Loi », et l’autre temporel, le Dépa-râja ou Déb-râja. Le Dharma-râja, quoique véritablement investi de la toute puissance, en sa qualité d’incarnation d’un être divin, ne s’occupe guère des affaires temporelles, et, sur ce point, abandonne l’autorité suprême au Déb-râja. Celui-ci est assisté et tenu en lisière par un conseil composé des Pilos (gouverneurs) des deux provinces de Paro et de Tongsa[2], des Tsoumpos (commandants) des palais fortifiés de Tassisoudon, de Panouka et d’Ouandipore, et du Lama-tsimpé, conseiller intime du Dépa-râja. Chaque province est divisée en districts administrés par des Soubahs, qui exercent sur leur territoire une juridiction presque sans limite. Au-dessous de ces derniers, se trouvent quatre classes de fonctionnaires subalternes pouvant s’élever par leur mérite aux postes supérieurs et même devenir Dépas. Le Dépa-râja est élu par le conseil et choisi généralement parmi les Pilos ; on a vu cependant des fonctionnaires du rang le plus humble élevés d’emblée à la dignité suprême. Malgré le relief qu’elle donne, cette haute magistrature est peu enviée ; d’abord, parce que le contrôle du conseil lui enlève presque tout pouvoir, et ensuite parce que sa durée légale ne peut excé-

  1. Élysée Reclus, Tibet, p. 99.
  2. Le Pilo de Tacca, inférieur en rang aux deux autres, n’est pas admis au conseil. Le Pilo de Paro a le pas sur celui de Tongsa.