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Page:Annales du Musée Guimet, tome 13.djvu/85

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LE RÂMÂYAṆA.

devant la captive, sans toucher la terre de ses pieds, la regardant avec des yeux immobiles, प्रथिवीं नास्पृशत् पड्न्याम् अनिषिक्षणी बभौ[1]. À ces signes, Sîtâ reconnut le dieu et se remit à prendre de la nourriture.

Cependant Râma étant revenu de sa chasse de Marica caché sous l’apparence d’une gazelle fut averti par les glapissements d’un chacal (gomâyu) qu’un malheur était arrivé chez lui, et l’inquiétude qui le saisit fut bientôt justifiée par Lakshmaṇa venant à sa rencontre avec un visage abattu, vigataprabham[2]. Il l’accable de questions sur Sîtâ et lui reproche d’avoir trahi sa confiance. Mais Lakshmaṇa se justifie ; il n’a laissé Sîtâ seule que contraint par les invectives de la malheureuse, l’appelant scélérat, hypocrite, n’ayant de l’amitié que le masque, etc.[3]. Alors Râma pousse des cris de douleur et se répand en lamentations. « Qu’est devenue Sîtâ ! » s’écrie-t-il. Les deux frères fouillent toute la contrée pour la découvrir. Enfin un grand pied de rakshas imprimé sur la terre révèle à Râma l’auteur du rapt, ददर्श भूमौ विक्रान्तं राक्षसस्य महत् पदं[4]. Cela remplit deux chapitres, et la colère qu’éprouve le héros contre les infâmes ravisseurs en remplit un autre. Dans sa fureur, l’époux de Sîtâ menace de bouleverser le monde entier et de le détruire de fond en comble. Pour le calmer, Lakshmaṇa lui propose de visiter tous les endroits où le coupable pourrait s’être réfugié avec sa proie. « Mais si les trente seigneurs célestes tridaça-îçvarâh[5], soumis comme nous aux trois états[6], ne veulent pas nous montrer le coupable, tam pâpam, tu feras ce qui est opportun, prâptakâlam[7], et tu détruiras les mondes avec les meilleures de tes flèches, » शरोत्तमैः ततः समुत्सादयितासि लोकान्[8].

Ces conseils de Lakshmaṇa qui remplissent deux chapitres, Râma les accueille et voilà les deux frères qui parcourent tous les pays d’alentour. Ils ne tardent pas à

  1. Râm. III, 63, 22. Les Grecs qui faisaient aussi de l’immobilité des yeux un des caractères essentiels de la divinité, représentaient à cause de cela les dieux avec des yeux sans prunelle. De même aussi les personnes entrées dans les champs élyséens.
  2. Râm. III, 64, 16.
  3. Ib., 66, 18.
  4. Ib., 68, 45.
  5. Ib., 70, 19. Il y a cependant 33 : 12 Adityas, 8 Vasus, 11 Rudras et 2 Açvins. Cf. I, 38, 25, où on lit aussi tridaçân.
  6. Ib., 71, 10 : les dieux, nous l’avons déjà remarqué, sont sujets comme les mortels aux conditions de la naissance, de la vie et de la mort, ce qui est une preuve de leur origine humaine.
  7. L’opportunisme est vieux comme le monde.
  8. Râm. III, 70, 21.