Page:Annales du Musée Guimet, tome 21.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxx
ANNALES DU MUSÉE GUIMET
avait semé dans sa Grammaire comparée les éléments d’une grammaire zende : nombre de rapprochements ingénieux datent de lui ; mais, plus linguiste que philologue, il laisse de côté les ressources peu accessibles de la tradition au profil de l’étymologie souvent décevante. C’est Bopp lui, le premier, oppose systématiquement les Daêvas, démons de la Perse, aux Devas, dieux de l’Inde, l’Ahura ou dieu souverain de la Perse aux Asuras ou démons de l’Inde, et fonde ainsi cette théorie de la révolution religieuse de l’Iran védique qui fournira le thème de tant de romans historiques. Le manifeste de l’école est lancé par Benfey, dans un compte rendu sévère de la traduction de Spiegel, auquel il reproche de traduire non l’Avesta, mais la traduction pehlvie de l’Avesta[1].
Cette école se recrute naturellement parmi les savants qui s’étaient consacrés spécialement à l’étude de l’Inde et des Védas. Elle a été représentée par des hommes de premier ordre et supérieurs peut-être, par la force intellectuelle, par la puissance de combinaison, par l’élégance et le brillant des déductions, à la plupart des savants de l’autre école : et pourtant l’on peut dire aujourd’hui, après une expérience de trente années, que leur apport au progrès de la science a été hors de toute proportion avec leur talent, parce que le talent, au service d’une méthode fausse, n’est qu’un instrument d’erreur plus puissant. Ils ont volontairement ignoré la tradition pehlvie, non pas après un examen approfondi qui les aurait convaincus de son insuffisance, mais en vertu d’un a priori qui les dispensait de l’étudier. Partant du fait ou de l’hypothèse que la tradition indienne a absolument perdu le sens des Védas et que le commentaire de Sàyana est inutile et dangereux, parce qu’il ne représente pas une tradition ininterrompue, et s’appuyant sur nombre d’erreurs apparentes du Commentaire pehlvi, ils posèrent en principe que ce commentaire n’avait aucune valeur propre et ne représente qu’une fantaisie artificielle et pédante. Il est, sans doute, peu d’études, aussi rebutantes, au premier abord, que celle du pehlvi ; elle exige d’ailleurs certaines connaissances des langues
  1. Weitere Beiträge zur Erklärung des Zend (Annonces savantes de Gottingen, 1852, 196-199 et 1853, 6-9) ; fait suite à Einige Beiträge zur Erklârung des Zend (compte rendu de l’édition de Brockhaus, ibid., 1850, 120-124).