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ANNALES DU MUSÉE GUIMET
nind (p. 119, note 1), a été donnée longtemps avant moi par M. Geldner[1]. M. Geldner y était arrivé d’un coup, semble-il, par la seule intuition étymologique ; j’y ai été conduit par le témoignage du pehlvi nikôhim shédà, de Nériosengh nindayâmi dévàn. J’avoue que, pour ma part, je n’aurais jamais osé transporter directement le sanscrit nind dans nâismi, et si l’idée m’était venue, je n’aurais pu l’accepter que comme une hypothèse très séduisante, comme une possibilité qui explique bien le texte, mais sans force probante ; car il n’y a de force probante que dans les faits. Mais ici le fait c’est que nâismi, pour les Parsis, signifie nikôhim, nindayâmi « je conspue » et c’est par ce fait seul que j’ai été amené à identifier nâismi avec nind. Peut-être, après tout, le nindayâmi de Nériosengh n’a-t-il pas été étranger à la traduction de M. Geldner ; car l’école étymologique, inconsciemment ou non, fait, par bonheur, usage de la tradition plus qu’elle n’imagine. Jamais les Védas ne lui auraient appris que deva « dieu » signifie « démon » dans l’Avesta, qu’ahura signifie « le Seigneur » ; que meregha est un oiseau et non une gazelle (mṛiga) ; que ratu est un « maître » et non une saison (ṛitu) ; que draonô est un aliment et non la fortune (dravinas) ; que baresman est la tige d’arbre qui s’élève et non l’élévation de la prière (brahman), etc.
L’école védisante battit son plein de 1850 à 1875 : tout ce temps dura entre les deux écoles une longue polémique, souvent violente, au moins du côté védique : car le vénérable chef de l’école traditionnelle, M. Spiegel, ne se départit pas un instant de la modération d’un sage devant les dédains peu justifiés de ses brillants adversaires. Cependant, des deux parts, on piétinait sur place : l’école védique restait enfermée dans son impasse et se contentait de tirer de sa propre substance et de ses trésors de sagacité à vide ces toiles merveilleuses dont parle Bacon. L’école traditionnelle, d’autre part, infidèle à son principe, vivait sur l’acquis du passé et laissait dormir les ressources cachées de cette immense littérature pehlvie dont elle n’avait encore tourné que les premiers feuillets. Une secousse féconde fut donnée par un savant qui appartenait à l’extrême gauche de l’école védique, Martin Haug, esprit mal équilibré, mais
  1. Studien zum Avesta, p. 134, Strasbourg, 1882.