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introduction

même, on arrive, je crois, à un jugement d’ensemble moins favorable que celui porté jadis par P. Meyer, dans son rapport de 1878 à la Société des Anciens Textes Français. Le style du poème a quelque chose de mou, les caractères sont souvent d’une grande banalité[1]. Une grande partie de F n’est, notre discussion l’a montré, qu’un renouvellement d’un poème antérieur (O2) : c’est ainsi que la comparaison avec E montre que la jolie scène où le petit Landri proteste contre le second mariage de son père, n’est pas de l’invention de l’auteur de F, mais se lisait dans son original. — Les épisodes que ce « trouveur » a ajoutés de son crû sont en grande partie des lieux communs, faisant partie du « matériel roulant » de l’épopée, suivant l’expression de G. Paris. Chose curieuse : notre poète, qui développe parfois avec une insistance inutile et choquante les scènes brutales et cruelles[2], montre le plus de talent dans les tableaux d’un genre paisible et en quelque sorte idyllique. La scène où Bernard, le riche « vavasseur », assis, le soir, sous un chêne, voit rentrer ses beaux troupeaux et a cependant l’âme attristée par le regret de son seigneur absent (v. 3200 et suiv.), est vraiment belle et originale. C’est également une invention curieuse que ce Gonteaume, à la fois guerrier et riche citoyen de Cologne, qui invite régulièrement à dîner la pauvre Olive, honnie de tous (v. 1889 et suiv.). Ici, comme ailleurs, l’esprit du poème se rapproche de celui du roman bourgeois[3].

Doon de La Roche n’a pas eu, sous ses différentes

  1. Qu’on mette, par exemple, le traître Tomile à côté de Lambert d’Oridon, dans Auberi le Bourgoin, la comparaison ne sera pas à l’avantage de notre auteur.
  2. Notamment la scène entre Olive et Audegour prisonnière (v. 3024 et suiv.), celle du supplice de Tomile (v. 4025 et suiv.).
  3. Voir notamment, à la fin du poème, les adieux d’Olive et de Salmadrine (v. 4472 et suiv.).