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la saga d’élie

sur le front de l’armée s’avança un païen déloyal ; il était fort et grand, avait quatre aunes et demie de haut depuis la ceinture jusqu’en haut ; Dieu maudisse ses jambes, car elles étaient fortes et l’ont porté trop longtemps ! Son épée était d’une longueur extraordinaire, et son écu était si grand et si pesant que le paysan le plus fort n’aurait pu le soulever de terre. Plein d’ardeur, il appela Élie à haute voix[1] : « Par ma foi, chevalier[2], » dit-il, « tu t’es bien défendu aujourd’hui ; mais le moment est venu de ta défaite. Je te conseille plutôt de renoncer à ta croyance et à ton Dieu : crois en Tervagant[3], qui fait des miracles pour nous, et à Mahon, qui donne le feuillage aux arbres, les fleurs et les fruits. Élie répondit : « Tu es le roi des fous ! Par mon seigneur et créateur, je serais le pire de tous les infâmes et semblable au misérable juif qui renia saint Martin à cause d’une salle où il était assis, si je reniais et abandonnais le seigneur du monde entier et de toute créature pour vos idoles. Je suis bien plutôt prêt à prouver par les armes, en la force de Dieu, que Mahon et Tervagant et Apollon, vos dieux, ne valent pas un fétu comparés aux saints de Dieu, qui habitent aux cieux ! » Quand le païen entendit la réponse d’Élie, il s’emporta de colère avec une grande arrogance et ardeur, car il ne se croyait pas d’égal au monde en force, en valeur et en chevalerie. Ils poussèrent tous deux leurs chevaux en avant ; et, comme les chevaux étaient très rapides, ils se heurtèrent si vivement et si fortement, les coups furent si grands et si puissants, l’attaque si violente que chacun d’eux renversa l’autre de cheval. Quand ils furent tombés tous deux, Élie, plus rapide à l’attaque, courut sus au païen et leva son épée à deux mains aussi haut qu’il put, et le coup à travers l’écu tomba sur la poitrine du païen et trancha toute la brogne, les entrailles,

  1. C B D ajoutent : et dit.
  2. Par ma foi, chevalier est remplacé dans C B par : Que Mahon m’aide !
  3. Mss. Terrogant.