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iv. — l’auteur et l’œuvre

Et pourtant il s’est laissé aller, comme d’autres, à confondre le héros de ce poème avec le Girard de Roussillon qui prend part aux guerres de Charlemagne et qu’il met souvent en scène lui-même dans l’Entrée d’Espagne[1].

D’autres chansons de geste encore ont laissé des traces, mais plus fugitives, dans l’œuvre du Padouan : par exemple, la présence auprès de Charlemagne de Léger de Touraine décèle la connaissance des Saisnes, et la Reine Sibile a inspiré un épisode singulier et énigmatique, celui d’Anseïs de Pontieu, amorcé à la laisse XXX, mais non réalisé, et qui mérite de nous arrêter.

Nommé régent pendant l’expédition d’Espagne, cet Anseïs, neveu de Ganelon, voudra un jour usurper le trône de France et épouser la propre femme de son souverain ; il faudra que Charlemagne revienne d’Espagne pour punir sa trahison avant qu’elle soit consommée. Les témoignages concordants, par le fond sinon par les détails, de la Spagna en vers et des textes en prose italienne qui lui sont apparentés, prouvent jusqu’à l’évidence que Nicolas de Vérone s’est fait un devoir de raconter cet épisode dont le Padouan avait réglé, longtemps d’avance, la mise en scène, mais qu’il n’avait pas encore traité au moment où il a posé la plume.

Cette audacieuse mainmise sur le thème de la Reine Sibille, inspirée par le désir de corser sa matière, achève de nous éclairer sur les procédés du Padouan et sur sa prétendue fidélité à Turpin, à Jean de Navarre et à Gautier d’Aragon. Il ne faut pas trop nous étonner, après cela, que fantaisie lui ait pris d’entraîner Roland en Orient, au mépris de toute la tradition relative au fiancé de la

  1. Voir la note sur le v. 11228.