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vi. — le succès

notre auteur abrège fréquemment, qu’il supprime complètement l’épisode des Allemands déserteurs, qu’il introduit volontiers des personnages nouveaux (notamment le père d’Astolfo, Ottone d’Inghilterra, pp. 57 et 102) et qu’il débaptise de temps en temps ceux qu’il emprunte à l’Entrée d’Espagne (par exemple, Alarise di Chiarmonte, qui réunit en lui les deux rôles d’Aimon de Paris et de Bernard de Meaux ; Bernardo di Monpesliere, qui remplace Gautier d’Orlin ; Durmione, roi de Noble, qui remplace Gilarus, etc., etc.). En somme, plus il avance, plus il devient indépendant de son modèle. Léon Gautier a déjà noté le fait, et il suffit de rappeler (pour que le lecteur soit édifié sur ce point) que vers la fin, l’auteur a imaginé d’utiliser la connaissance qu’il avait du Pèlerinage de Charlemagne à Jérusalem et de ses dérivés pour donner un rôle dans la bataille de Roncevaux à Galeant (Galien), fils d’Olivier[1].

Comme je l’ai dit, je crois le Viaggio postérieur à la Spagna en vers. Il me semble tout à fait indépendant de la Spagna en prose, mais il n’est pas facile de décider lequel des deux récits en prose est antérieur à l’autre. Un détail me porte cependant à croire que le Viaggio doit être plus récent que la Spagna en prose. Dans l’Entrée d’Espagne, Roland commande à 20.000 chevaliers fournis par le pape ; la Spagna en vers porte le chiffre à 20.600 et la Spagna en prose suit le poème : dans le Viaggio (p. 16 et passim), il s’agit toujours de 20.666. Si je ne me trompe, il y a là un raffinement pédantesque d’exactitude qui trahit une assez basse époque.

L’existence des trois versions italiennes que je viens de

  1. Épop. fr., 2e éd., III, 332.