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lxxxvii
vii. — la langue

pour qeil et teil ; on la trouve aussi dans quelques autres mots (aleir 685, armeis 4979, bontei 5547, citei 5363, cleire 15298, leveirent 7884, etc.), même après un élément palatal (ceir 428, cheit 1229). Devant les groupes latins tr, dr, on trouve parfois, mais seulement à la rime, le traitement provençal ai : tir. lii, maire, enperaire ; tir. cxliv, pecaire, quaire, rementaire, emperaire, maire, tir. ccxi, maire, emperaire, pecaire ; tir. ccclxii, paire[1] ; tir. cccxxxvi, quaire, etc. C’est par l’analogie, probablement, qu’il faut expliquer rait (tir. lix et cxxvii), d’après l’infinitif provençal raire.

Devant les nasales, sans palatalisation, il y a flottement entre les formes françaises normales (avec ai ou ei) et les formes italiennes et latines (avec a non diphtongué) : les tirades en -an (lx, xcvi, etc.) et -ans (xviii, clxxvii, etc.) abondent, et si toutes les tirades féminines sont en -aine (xx, ccxxv, etc.), on peut noter mainte forme isolée comme ame 1031, 5026, clame 1035, clament 5449, humane 533, rame 4959, sane 3199, vane 4509 ; cf. fam 7935, remant 3694, 3723, 4589, etc., et la réduction de -ain à -en dans escriven 8633, mens 8470, villens 10916. Après un élément palatal, la bigarrure est encore plus marquée, car on trouve non seulement -ien et -ian, -iane et -iaine, chan 3232, à côté de chien 5192, mais des formes contractées comme Orlins 5842, Païn 887, Païne 3409, etc.[2].

En syllabe fermée, le fait le plus saillant est le remplacement fréquent de l’a par ai devant s, dont les sept tirades en -ais (xlvi, cxliii, ccxxxv, cclxx, cccxxii,

  1. Je note en passant que paire < patrem se trouve quelquefois dans des textes épiques composés en France ; voir W. Cloetta, Moniage Guillaume, II, 244.
  2. Chin 14193, pour chien, est douteux, le texte étant fautif.