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MADAME MARCELLE TINAYRE


Le très grand succès de Mme  Marcelle Tinayre a commencé en 1902, quand la Revue de Paris publia La Maison du Péché.

L’auteur appartenait à une famille d’artistes et d’écrivains où les femmes avaient toujours marqué un goût très vif des choses de l’esprit.

Un goût d’écrire naturel, et qui ne fut pas contrarié, de bonnes études classiques, un mariage très jeune avec un artiste distingué, et aussitôt, sans désir d’imprimer, Mme  Tinayre composa ses premiers essais. Avant l’Amour, publié en 1897, dans la Nouvelle Revue fut écrit par une jeune femme qui n’avait pas vingt ans.

Puis vinrent La Rançon (parue en 1898) dans le Temps, l’Oiseau d’orage et Hellé qui fut son début à la Revue de Paris (1899). Ce roman fut couronné par l’Académie.

La Maison du Péché commencée en 1899, était une œuvre d’une tenue et d’une énergie surprenantes : d’une part, une hérédité janséniste, et toutes les voix de la conscience ; de l’autre, la passion d’une femme libre et amoureuse ; entre ces deux forces, un être faible qui cède, qui lutte, qui se reprend, qui meurt enfin ; comme cadre l’atelier d’une femme artiste, à Paris, et les collines et les bois de Montfort-l’Amaury, où Mme  Marcelle Tinayre passe l’été ; le sentiment de la nature, l’odeur mouillée de la terre et des feuilles, les souvenirs de Port-Royal, la violence enfin de l’amour se mêlaient pour former un ouvrage qui fut aussitôt célèbre, non seulement en France, mais en Angleterre et en Allemagne.

Mme  Marcelle Tinayre donna à ce succès une suite leste, jolie, spirituellement touchante, en écrivant dans le goût du xviie siècle, La Vie amoureuse de François Barbazange, ce jeune homme beau comme un dieu, et qui ne sort de sa divinité, par un songe peut-être, dans le château de la belle Camille, que pour mourir (1904). Enfin, cette année même, elle publiait une œuvre moins ample que la Maison du Péché, mais dont les cent premières pages sont parmi les plus douloureuses et les plus pathétiques qu’une femme ait écrites : La Rebelle. On n’écrira rien de plus poignant que la description de la jeune femme pauvre, jolie, mariée à un mari agonisant, aimant un égoïste qui la quitte, mère enfin, et qui bientôt, dans un nouvel amour, trouve de nouvelles joies et de nouvelles douleurs.