Page:Anonyme - Macaire, chanson de geste.djvu/144

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Sommaire.

Macaire de Losane, ainsi l’appelait-on, avait tant fait par ses largesses qu’il était en faveur à la cour, prenait place à la table du roi et avait grande part à son amitié. Le traître n’en forma pas moins le dessein de honnir Charlemagne et d’arriver jusqu’à la reine, fût-ce par la force. Écoutez l’histoire. Le jour de la fête de saint Riquier, la noble dame était dans son verger, où elle prenait plaisir, avec d’autres dames, à écouter une chanson chantée au son de la vielle. Macaire survient, en compagnie de plusieurs chevaliers, et bientôt il se prend à courtiser la reine : « Dame, lui dit-il, vous pouvez bien vous vanter d’être la plus belle des belles, et c’est un vrai péché mortel qu’un tel époux vous ait en son pouvoir. Si l’amour nous unissait, vous et moi, ce serait là une union sans pareille et bien faite pour les tendres étreintes, les caresses et les baisers. » La reine l’entend, le regarde et lui dit en riant : « Sire Macaire, que me contez-vous là ? C’est pour m’éprouver sans doute ? Un homme si sage ne peut avoir d’autre dessein. — Cessez de le croire, Madame, répond Macaire. Il n’est homme au monde qui vous aime plus que moi ; il n’est peine que je ne sois prêt à souffrir pour vous plaire. » À ces mots, la reine comprend que ce n’est point un jeu : « Macaire, lui dit-elle alors, tu ne me connais pas. Sache bien que je me laisserais couper tous les membres, et que je consentirais à être brûlée vive pour que mes cendres soient jetées au vent plutôt que d’avoir une mauvaise pensée à l’égard du roi. Si jamais j’entends de toi pareil langage, je le dirai aussitôt à mon seigneur. Homme pervers, tu es bien osé de parler ainsi de ton maître ! S’il le savait, toutes