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Les aventures

seul voyage, de débarquer les nègres secrettement, & de les distribuer ensuite dans leurs propres plantations ; qu’en un mot il s’agissoit de savoir sir je voulois aller à bord du vaisseau en qualité de super-cargo ou commis, pour prendre soin de ce qui concernoit le négoce sur la côte de Guinée ; que dans le partage des nègres j’aurois une portion égale à celle des autres, & que je serois dispensé de contribuer ma quote-part du fonds qu’on leveroit pour cette entreprise.

Il faut avouer que ces propositions étoient fort avantageuses pour tout homme manquant d’établissement, & qui n’auroit pas eu à cultiver une plantation qui lui appartînt en propre, qui eût de très-belles apparences, & fût assurée d’un bon fonds. Mais quant à moi, qui m’étois déjà poussé, qui me voyois si joliment établi, qui n’avois plus rien à faire qu’à continuer pendant trois ou quatre ans sur le même pied que j’avois commencé, & qu’à faire venir d’Angleterre mes autres cent livres sterling, qui dans ce tems-là, & avec ce petit renfort, n’aurois presque pas pu manquer de devenir riche de trois ou quatre mille livres sterling, sans compter combien une telle somme auroit multiplié dans la suite ; que je pensasse, dis-je, à un tel voyage, c’étoit la plus grande folie qu’un homme pût commettre dans de pareilles conjonctures.