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Les aventures

sable ; son mouvement cessa tout-à-coup, les vagues y entrèrent avec tant de précipitation, que nous nous attendions à périr sur l’heure ; & nous nous serrions contre les bords du bâtiment, pour nous mettre à couvert des coups & de la fureur des flots.

Il n’est pas aisé de représenter, ni même de concevoir la consternation de l’ame en pareil cas, à quiconque ne s’y est jamais trouvé. Nous ne savions ni le climat où nous étions, ni la terre contre laquelle nous avions été poussés ; si c’étoit isle ou continent ; si elle étoit habitée ou déserte. Et comme la fureur des vents, quoiqu’un peu diminuée, étoit encore fort grande, nous ne pouvions pas seulement espérer que le vaisseau demeurât quelques minutes sans se briser en morceaux, à moins qu’un calme ne survînt tout-à-coup par une espèce de miracle. En un mot, nous étions immobiles, nous regardant les uns les autres, attendant la mort à chaque moment, & nous préparant pour l’autre monde, d’autant qu’il n’y avoit que peu ou rien à faire pour nous en celui-ci. La seule chose qui pouvoit encore un peu nous rassurer, c’est que, contre notre espérance, le vaisseau ne fût pas encore brisé, & que le maître disoit que le vent commençoit à s’abattre.

Mais bien que le tems parût devenir moins