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de Robinson Crusoé.


Un peu après midi je vis que la mer étoit fort calme, & la marée si basse, que je pouvois avancer jusqu’à un quart de mille du vaisseau : & ce fut pour moi un renouvelement de douleur ; car je voyois clairement que, si nous fussions restés à bord, nous aurions été sains et saufs, je veux dire, que du moins nous serions tous venus heureusement à terre ; & je n’aurois pas été si misérable que de me voir, comme j’étois alors, dénué de toute consolation & de toute compagnie. Ces réflexions m’arrachèrent des larmes ; mais comme elles n’apportoient qu’un foible remède à mes maux, je résolus d’aller au vaisseau si je pouvois. Il faisoit une chaleur extrême ; je me dépouillai de mes habits ; & je me jetai dans l’eau. Mais quand je fus arrivé au pied du bâtiment, je trouvai plus de difficulté à monter dessus, que je n’en avois encore surmonté : car comme il reposoit sur terre,& qu’il étoit hors de l’eau d’une grande hauteur, il n’y avoit rien à ma portée que je pusse saisir. J’en fis deux fois le tour à la nâge ; à la seconde, j’apperçus ce que je m’étonnois de n’avoir pas vu la première ; c’étoit un bout de corde qui pendoit à l’avant, de telle façon, qu’après beaucoup de peine je m’en saisis, & par ce moyen, je grimpai sur le château-gaillard. Quand je fus-là, je vis que le vaisseau étoit entr’ouvert, & qu’il y avoit beaucoup d’eau à fond de cale ;