Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
201
de Robinson Crusoé.

réussir. Premièrement, je pris un morceau de feuille que je mis dans ma bouche, & comme le tabac étoit vert & fort, & que je n’y étois pas accoututumé, il m’étourdit extraordinairement : secondement, j’en fis tremper une autre feuille dans du rum, pour en prendre un dose une heure ou deux après en me couchant ; & en troisième lieu, j’en grillai sur des charbons ardens, & je tins mon nez sur la fumée, aussi près & aussi long-tems que la crainte de me brûler, ou de me suffoquer, le pouvoit permettre.

Dans l’intervalle de ces préparatifs, j’ouvris la Bible, & je commençais à lire : mais les fumées du tabac m’avoient trop ébranlé la tête pour continuer ma lecture : néanmoins, ayant jeté les yeux à l’ouverture du livre, les premières paroles qui se présentèrent furent celles-ci : Invoque-moi au jour de ton affliction, & je te délivrerai, & tu me glorifieras.

Ces paroles étoit fort propres pour l’état où je me trouvois, & elles firent impression sur mon esprit dans le tems de la lecture ; mais le mot de délivrer sembloit ne pas me concerner, & n’avoit aucune signification à mon égard : ma délivrance étoit une chose si éloignée, & même si impossible dans mon imagination, que je commençai à parler le langage des enfans d’Israël, qui disoient, lorsqu’on leur promit de la chair