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Les aventures

qui m’avoit intrigué dès sa naissance, faillit à m’empester dans la suite par une trop grande postérité dont je fus bientôt si infecté, que je me vis obligé de leur donner la chasse, & même de les exterminer comme une vermine dangereuse, ou comme des bêtes sauvages.

Depuis le 14 du mois d’Avril jusqu’au 26, il plut sans aucune intermission, tellement que je ne plus point sortir tout ce tems-là ; j’étois devenu fort soigneux de me garantir de la pluie. Durant cette longue retraite, je commençai à me trouver un peu court de vivres ; mais m’étant hasardé deux fois à aller dehors, je tuai à la fin un bouc, & trouvai une tortue fort grosse qui fur pour moi un grand régal. La manière dont je réglois mes repas étoit celle-ci ; je mangeois une grappe de raison pour mon déjeûner, un morceau de bouc ou de tortue grillé pour mon dîner, car par malheur je n’avois aucun vaisseau propre à bouillir ou à étuver quoi que ce soit ; & puis à souper deux ou trois œufs de tortue faisoient mon affaire.

Pour me désennuyer, & faire en même tems quelque chose d’utile dans cette espèce de prison ou me confinoit la pluie, je travaillois régulièrement deux ou trois heures pas jour, à aggrandir ma caverne, & conduisant ma sappe, peu-à-peu, vers un des flancs du rocher, je parvins à le perçer de part en part, & à me faire une entrée & une