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de Robinson Crusoé.

toit à faire, c’étoit de le mettre en mer ; & s’il m’eût été possible d’exécuter ce dernier point, je ne fais nul doute que je n’eusse entrepris le voyage du monde le plus téméraire, & où il y auroit eu le moins d’apparence de pouvoir réussir.

Mais toutes les mesures que je pris pour le lancer à l’eau, avortèrent, quoiqu’après m’avoir coûté un travail infini. Il n’étoit cependant pas éloigné de la mer de plus de deux cents verges ; mais le premier inconvénient qui intervenoit, c’est qu’il y avoit une éminence sur mon chemin de là à la baie. Cet obstacle ne m’arrêta point ; je résolus de le lever entièrement avec la bèche, & même de faire tant, que de réduire la hauteur en pente. J’entrepris la chose, & je ne saurois dire combien je me pènai prodigieusement pour cela : il ne falloit pas avoir en vue un trésor moins précieux que celui de ma liberté, pour me soutenir dans une telle rencontre. Mais quand j’eus applani cette difficulté, je ne m’en vis pas plus avancé, car il m’étoit aussi impossible de remuer ce canot-ci, que l’autre bateau dont j’ai déjà parlé.

Alors je mesurai la longueur du terrein, & formai le projet de creuser un bassin ou un canal, pour faire venir la mer jusqu’à mon canot, puisque je ne pouvois pas faire aller mon canot jusqu’à la mer. Je commençai l’ouvrage sans délai, & dès le commencement, venant à calculer quelle