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de Robinson Crusoé.

m’être pourvu d’un troupeau de chèvres apprivoisées, & de n’être pas contraint d’aller à la chasse des chèvres sauvages ; si j’en attrapois quelqu’une ; ce n’étoit que par le moyen de piéges & de trappes. Je ne sortois pourtant jamais sans mon mousquet, & comme j’avois sauvé trois pistolets du vaisseau, j’en avois toujours deux pour le moins, que je portois dans ma ceinture de peau de chèvre. J’y ajoutois un de mes grands coutelas que je m’étois mis à fourbir, & pour lequel j’avois fait de la même peau un porte-épée. On croira facilement que dans mes sorties j’avois l’air formidable, si l’on ajoute à la description que j’ai faite auparavant de ma figure, les deux pistolets & ce large sabre qui pendoit à mon côté sans fourreau.

Ces précautions nécessaires étoient la seule chose qui m’inquiétoit en quelque sorte, & considérant ma condition d’un œil tranquille, je commençai à ne la trouver guères misérable en comparaison de bien d’autres. En réfléchissant là-dessus, je vis qu’il y auroit peu de murmures parmi les hommes, dans quelque état qu’ils pussent se trouver, s’ils se portoient à la reconnoissance, par la considération d’un état plus déplorable, plutôt que de nourrir leurs plaintes en portant leurs yeux sur ceux qui sont plus heureux.