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de Robinson Crusoé.

délivré, sans que je m’en apperçusse, de la brutalité des sauvages.

Cette brutalité même devint alors le sujet de mon raisonnement ; j’avois de la peine à comprendre par quel motif le sage directeur de toutes choses avoit pu livrer des créatures raisonnables à un excès d’inhumanité qui les met au-dessous des brutes mêmes, dont la faim épargne les animaux de leur propre expèce. Ayant peine à sortir de cet embarras, je me mis à examiner dans quelle partie du monde ces malheureux peuples pouvoient vivre ; combien leur demeure étoit éloignée de l’île ; par quelle raison ils se hasardoient à y aborder, de quelle structure étoient leurs bâtimens, & si je ne pouvois pas aller à eux aussi facilement qu’ils venoient à moi.

Je ne daignois pas songer seulement au sors qui m’attendoit dans le continent, si j’étois assez heureux pour y parvenir sans tomber parmi les canots des sauvages ; il ne me venoit pas même dans l’esprit de penser comment en ce cas je trouverois des provisions, & de quel côté je dirigeois mon cours ; tout ce qui m’occupoit, c’étoit de gagner le continent. Je considérois mon état présent comme tellement misérable, qu’il m’étoit impossible de faire un mauvais troc, à moins que de le changer contre la mort. Je me flattois d’ailleurs de trouver quel-