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de Robinson Crusoé.

si j’avois eu la fiévre ; mais un épuisement d’esprit, succedant à cette agitation, me jeta dans un profond sommeil.

Il est naturel de penser que mes songes doivent avoir roulé sur le même sujet ; cependant à peine à avoit-il la moindre circonstance qui s’y rapportât. Je rêvai que, quittant le matin mon château à mon ordinaire, je voyois près du rivage deux canots d’où sortoient onze sauvages avec un prisonnier destiné à leur servir de nourriture. Ce malheureux, dans le moment qu’il alloit être tué, s’échappe & se met à courir de mon côté dans le dessein de se cacher dans le bocage épais qui couvroit mon retranchement, le voyant tout seul sans être poursuivi, je me découvre, & le regardant d’un visage riant, je lui donne courage, je l’aide à monter mon échelle, je le mène avec moi dans mon habitation, & il devient mon esclave. J’étois charmé de cette rencontre, persuadé que j’avois trouvé un homme capable de me servir de pilote dans mon entreprise, & de me donner les conseils nécessaires pour éviter toutes sortes de dangers.

Voilà mon songe, qui, pendant qu’il dura, me remplit d’une joie inexprimable, mais qui fût suivi d’une douleur extravagante, dès que je me fus réveillé.