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Les aventures

J’inférai pourtant de mon songe que le seul moyen d’exécuter mon dessein avec succès, étoit d’attraper quelque sauvage, sur-tout, s’il étoit possible, quelque prisonnier qui me fût gré de sa délivrance : mais j’y voyois cette terrible difficulté, que pour réussir, il falloit absolument massacrer une caravane entière ; entreprise désespérée, qui pouvoit très-facilement manquer. D’un autre côté, je frissonnois en songeant aux raisons dont j’ai déjà parlé, & qui me faisoient considérer cette action comme extrêmement criminelle. Il est vrai que j’avois dans l’esprit d’autres raisons qui plaisoient pour l’innocence de mon projet ; savoir, que ces sauvages étoient réellement mes ennemis, puisqu’il étoit certain qu’ils me dévoreroient dès qu’il leur seroit possible ; que par conséquent les attaquer, c’étoit proprement travailler à ma propre conversation, sans sortir des bornes d’une défense légitime, d’autant plus que c’étoit l’unique moyen de me délivrer d’une manière de vivre qu’on pouvoit appeler une espèce de mort. Ces argumens pourtant ne me tranquillisoient pas, & j’avois de la peine à me familiariser avec la résolution de me procurer ma délivrance au prix de tant de sang.

Néanmoins, après plusieurs délibérations inquiettes, après avoir pesé long-tems le pour &