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de Robinson Crusoé.

prit : quelle nécessité, dis-je en moi-même, me porte à tremper mes mains dans le sang d’un peuple qui n’a jamais eu la moindre intention de m’offenser ? Leurs coutumes barbares font leur propre malheur, & font une preuve que Dieu les a livrés aussi bien que tant de nations à leur stupide brutalité, sans m’établir juge de leurs actions, & exécuteur de sa justice ; il l’exercera sur eux lui-même quand il le voudra, & de la manière qu’il le trouvera bon. C’est une autre affaire par rapport à Vendredi, qui est leur ennemi déclaré, & dans un état de guerre légitime avec eux : mais il n’y a rien entre eux & moi.

Ces pensées me jetèrent dans une grande incertitude, dont je sortis enfin, en me déterminant à approcher seulement du lieu de leur barbare festin, & d’agir selon que le ciel m’inspireroit ; mais de ne me point mêler de leurs affaires, à moins que quelque chose ne se présentât à mes yeux, comme une vocation particulière.

Dans cette vue j’entrai par le bois avec toute la précaution & tout le silence possibles, ayant Vendredi sur mes talons, & je m’avançai jusqu’à ce qu’il n’y eût qu’une petite pointe du bois entre nous & les sauvages. Appercevant alors un arbre fort élevé, j’appelle Vendredi tout doucement,