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de Robinson Crusoé.

commandant à Vendredi de me suivre ; mais je fus bien surpris en y voyant un troisième prisonnier garotté de la même manière que l’avoit été l’Espagnol, & presque mort de peur, n’ayant pas su ce dont il s’agissoit ; car il étoit tellement lié, qu’il étoit incapable de lever la tête, & qu’il lui restoit à peine un souffle de vie.

Je me mis d’abord à couper les cordes qui l’incommodoient si fort ; je m’efforçai à le lever, mais il n’avoit pas la force de se soutenir ou de parler. Il jeta seulement des cris sourds, mais lamentables, craignant sans doute qu’on ne le déliât que pour lui ôter la vie.

Dès que Vendredi fut entré dans la barque, je lui dis de l’assurer de sa délivrance, & de lui donner un coup de mon rum ; ce qui, joint à la bonne nouvelle à laquelle il ne s’attendoit pas, le fit revivre, & lui donna assez de force pour se mettre sur son séant.

Dès que Vendredi l’eut bien regardé, & l’eut entendu parler, c’étoit une chose à tirer les larmes des yeux à l’homme le plus insensible, de le voir baiser, embrasser ce sauvage ; de le voir pleurer, rire, sauter, danser à l’entour, ensuite se tordre les mains, se battre le visage, & puis sauter, danser de nouveau ; enfin se comporter comme s’il étoit hors de sens. Pendant quelques