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de Robinson Crusoé.

petite, qu’ils avoient consumée les premiers jours de leur débarquement, en allant à la chasse.

Mais, lui dis-je, que deviendront-ils à la fin ? N’ont-ils jamais formé le dessein de se tirer de-là ? Il me répondit qu’ils y avoient pensé plus d’une fois, mais que n’ayant ni vaisseau, ni instrumens nécessaires pour en construire un, ni aucune provision, toutes leurs délibérations là-dessus avoient été terminées par des larmes & par le désespoir.

Je lui demandois de quelle manière il croyoit qu’ils pouvoient recevoir une proposition de ma part, tendante à leur délivrance, & s’il ne jugeroit pas qu’elle seroit aisée à exécuter, si on pouvoit les faire venir tous dans mon île. Mais, ajoutai-je, je vous avoue franchement que je crains fort quelque coup de traître de leur façon. La gratitude n’est pas une vertu fort familière aux hommes qui, d’ordinaire, conforment moins leur conduite aux services qu’ils ont reçus, qu’aux avantages qu’ils peuvent espérer. Ce seroit pour moi une chose bien dure, continuai-je, si, pour prix d’avoir été l’instrument de leur délivrance, ils m’amenoient comme leur prisonnier dans la Nouvelle-Espagne, où tout Anglois, par quelque accident qu’il y puisse venir, ne doit s’attendre qu’à la plus cruelle destinée. Je vous assure que j’aime-