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Les aventures

vous le rencontrez dans un bois, & si vous ne vous mêlez pas de ses affaires, il ne se mêlera pas des vôtres ; mais ayez bien soin de le traiter avec beaucoup de politesse, & de lui laisser le chemin libre ; car c’est un cavalier fort pointilleux, qui ne fera pas un seul pas hors de sa route pour un monarque. S’il vous fait peur, le meilleur parti que vous puissiez prendre, c’est de détourner les yeux, & de continuer votre chemin ; car si vous vouliez vous arrêter pour le regarder fixement, il pourroit bien s’en offenser ; mais si vous étiez assez hardi pour lui jeter quelque chose, & qu’elle le touchât, ne fût-ce qu’un morceau grand comme le doigt, soyez sûr qu’il le prendroit pour un affront sanglant, & qu’il abandonneroit toutes ses autres affaires, pour en tirer vengeance, car il est extrêmement délicat sur le point d’honneur : c’est-là sa première qualité. Il en a encore une autre, qui est tout aussi remarquable, c’est que s’il se fourre dans l’esprit que vous l’avez offensé, il ne vous abandonnera ni de nuit ni de jour jusqu’à ce qu’il en ait satisfaction, & que l’affront soit lavé dans votre sang.

Je reviens au combat, dont j’ai promis la relation. A peine Vendredi eut-il aidé à descendre de cheval notre guide, encore plus effrayé qu’il n’étoit blessé, que nous vîmes l’ours sortir du

bois,