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de Robinson Crusoé.

On peut juger par-là, quelle avoit été leur joie en revoyant leur ami qu’ils avoient cru dévoré par les sauvages, la plus mauvaise espèce d’animaux féroces. Cette joie étoit parvenue au plus haut degré, par la nouvelle qu’il y avoit près de-là un chrétien assez humain pour former le dessein de finir leurs malheurs, & capable de l’exécuter.

Ils me firent encore la description la plus pathétique de la surprise que leur avoit donnée le secours que je leur avois envoyé ; le pain, sur toute chose, qu’ils n’avoient pas vu depuis tant d’années. Ils l’avoient béni mille & mille fois, comme un aliment descendu du ciel, & en le goûtant ils y avoient trouvé le plus restaurant de tous les cordiaux. Plusieurs autres choses que je leur avois envoyées pour leur subsistance, leur avoient causé à-peu-près le même ravissement.

Mes Espagnols, en me faisant ce récit, trouvoient des termes pour exprimer leurs sentimens ; mais ils n’en avoient point pour donner une idée de la joie qu’avoit excitée dans leur ame la vue d’une barque & de pilotes tout prêts à les tirer de cette île malheureuse, & à leur faire voir le lieu & la personne desquels ce secours leur étoit venu. Ils me dirent seulement que les extravagances où les avoit portés une délivrance si peu