Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 2.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dessus je lui dis que j’avois eu le pouvoir de disposer absolument de la fortune & de la vie de mes Sujets, & que malgré mon Despotisme il n’y avoit eu personne dans tous mes états, dont je n’eusse été aimé avec une tendresse filiale.

Il me répondit en branlant la tête, qu’effectivement de ce côté-là j’avois surpassé de beaucoup le Czar son maître. Ce n’est pas tout, monseigneur, repris-je, toutes les terres de mon royaume m’apartenoient en propre, tous mes sujets n’étoient que mes fermiers, sans y être contraints, & tous tant qu’ils étoient, ils auroient hasardé leur vie, pour sauver la mienne, jamais prince ne fut plus tendrement aimé, & en même temps si fort respecté & si craint de son Peuple.

Après l’avoir encore amusé pendant quelque temps de ces magnifiques chimères, fondées pourtant sur des réalités, mais trés-minces, je lui fis voir clair dans le fond de cette affaire, & je lui donnai un détail de tout ce qui m’étoit arrivé dans l’île, & de la manière que j’y avois gouverné mes sujets, en un mot je lui fis là-dessus précisément le même récit, que j’ai communiqué au public.

Toute la compagnie fut ravie de cette relation, & sur-tout le prince, qui me dit en poussant un grand soupir, que la véritable grandeur de l’homme consistoit à être son propre maître, &