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de Robinson Crusoé.

pagnons, & de les mettre en possession de l’île, en leur soumettant les anglois, comme ils ne l’avoient que trop mérité ; que j’étois ravi qu’ils y eussent songé pour moi, bien loin d’y trouver à redire, & que je ne savois que trop que c’étoient des coquins opiniâtres, incorrigibles, & capables de toutes sortes de crimes.

Pendant ce discours nous vîmes approcher l’homme qu’il avoit envoyé pour avertir ses compagnons, de mon arrivée. Il étoit suivi de onze espagnols, qu’à leur habillement il étoit impossible de prendre pour tels. Il commença par nous faire connoître les uns aux autres ; il se tourna d’abord de mon côté en me disant : Monsieur, voilà quelques-uns de ces gentils hommes qui vous sont redevables de la vie, & ensuite il leur dit qui j’étois, & quelle obligation ils m’avoient. Là-dessus ils s’approchèrent tous l’un après l’autre, non comme une troupe de simples matelots qui voudroient faire connoissance avec un homme de mer comme eux, mais comme des ambassadeurs pour haranguer un monarque, ou un conquérant. Toutes leurs manières étoient obligeantes & polies, avec un noble mélange de gravité majestueuse, qui donnoit un air de bienséance & de grandeur à leur soumission même. Je puis protester qu’ils savoient beaucoup mieux