Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 20.djvu/59

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quelle attendrie des maux que je ſouffrois, avoit ſaiſi ma main bleſſée, & par des bandelettes tâchoit d’en étancher le ſang. Les cris de l’enfant lui tenoient la bouche ouverte, & le haſard lui en ayant fait recevoir quelques gouttes, elle s’appaiſa tout d’un coup, & ſe mit à ſourire : ma mère s’en étant apperçue, & me voyant ſucer ma plaie, parce que j’y trouvois du ſoulagement, elle me convia de la donner à cette petite infortunée, qui s’en ſaiſit avec autant d’empreſſement & de vivacité, que du ſein de ſa mère ; elle ouvrit bientôt entièrement les yeux : cette nourriture affreuſe & nouvelle la rappella à la vie. Milkhéa regretta alors de n’avoir pas donné ſon ſang pour conſerver les jours de ſa propre fille ; je trouvai moi-même du ſoulagement, & je reſſentois une ſecrette conſolation, dont je ne pouvois diſcerner les mouvemens. Ô Sérapis ! que vos décrets ſont admirables ! qui eût jamais preſſenti les ſuites qu’a eu cet événement.

Il n’étoit pas poſſible cependant que nous puiſſions réſiſter davantage à cette rigoureuſe ſituation. La ſoif nous preſſoit encore plus que la faim ; l’eau de la mer que nous portions à notre bouche, loin de nous rafraîchir mettoit dans notre ſein une ardeur brûlante ; nous étions prêts à en être abattus, lorſque le vent