Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 20.djvu/60

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ayant changé, une grêle abondante tomba : la barque en fut remplie & nous la regardâmes comme une mâne que le ciel nous envoyoit pour prolonger nos triſtes jours. Nous nous jettâmes deſſus avec empreſſement, & nous la trouvâmes ſi délicieuſe, que notre courage, en fut, pour ainſi dire, ranimé. Mais quelque ſoulageant que fut ce ſecours, il n’appaiſoit point la faim qui nous dévoroit. Un deſir n’eſt pas plutôt ſatisfait, qu’un plus preſſant vous agite. Nous étions épuiſés, & la langueur ſuccéda bientôt à la rage. Lamékis fut le premier qui ſuccomba : malgré ſa fermeté, il ſe laiſſa aller à la renverſe, & Milkhéa le ſuivit bientôt. L’enfant pleuroit, mais la ſubſtance de mon ſang la ſoutenoit encore. La douleur de ma bleſſure ſe faiſoit reſſentir de nouveau, & je ne pouvois tarder à perdre bientôt une vie malheureuſe ; mais les dieux ne vouloient pas ſi-tôt finir mes infortunes : la barque ſe trouva tout d’un coup arrêtée ſur un banc de ſable à fleur d’eau ; il étoit d’une vaſte étendue, & couvert de coquillages. Le deſir naturel qu’on a de conſerver ſa vie, m’en fit porter à la bouche ; ils me ſemblèrent ſi délicieux que je jettai un cri de joie. Ah ! mon père ; ah ! ma mère, m’écriai-je, le ciel a pitié de nous : voyez les préſens qu’il nous fait, ils vont nous rappeller à la vie ;