Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 20.djvu/71

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ſon, nous rentrâmes dans le batteau, & revînmes à notre habitation : nous trouvâmes la femme, qui nous fit à ſa façon toutes ſortes d’accueils. La nuit étant venue, l’on alluma une eſpèce de flambeau, qui rendoit une lumière vive, & dont l’odeur étoit fort agréable. Nous mangeâmes au bord de la fontaine un potage compoſé de ris & de la poule dont j’ai parlé ; l’eau du rocher ſervit à nous déſaltérer ; elle étoit piquante & vive ; & je n’en eus pas plutôt bu trois coups, que je me ſentis aſſoupi avec une eſpèce d’ivreſſe, qui me plongea dans un profond ſommeil.

Il seroit inutile, ô mon cher Sinouis, de vous faire le détail de la vie que je menai pendant dix ans que je reſtai dans cette habitation : j’appris la langue de Motacoa avec une ſi grande facilité, qu’au bout de deux ans je la parlai auſſi-bien que lui. L’inclination que mon hôte & ſa femme avoient pour moi, m’avoit prévenu d’une ſi forte tendreſſe pour eux, que j’en avois oublié, pour ainſi dire, ceux auxquels je devois le jour. Je fus élevé dans la religion & les mœurs du pays ; & lorſque je fus initié à leurs uſages, Motacoa me donna les marques de la plus parfaite confiance. Je veux, ô mon cher Lamekis, me dit-il un jour, vous donner des preuves de la tendreſſe que j’ai pour vous, en