Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 20.djvu/74

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pour conſerver vos jours qu’on vous a teint de cette couleur.

Ma mère fut tranſportée de plaisir à ma vue ; elle fut charmée d’avoir perdu la gageure, par la tendreſſe extrême qu’elle avoit pour mon père. Le roi prit la choſe bien différemment ; il tomba dans une morne triſteſſe ; ſa jalouſie lui fit naître mille ſoupçons ſur ma naiſſance : il fut pendant quelque tems à méditer des actes de vengeance. Depuis le jour fatal que j’étois venu au monde, il n’avoit point vu la reine ; elle fondoit en larmes, ne pouvant imaginer par quel endroit elle avoit perdu ſon amour. Mais quel fut le ſurcroît de ſa ſurpriſe & de ſa douleur, lorſque le premier[1] kirzif vint ſe préſenter à ſes yeux avec le redoutable[2] kirmec à la main. Que vois-je, s’écria cette princeſſe

  1. Viſir.
  2. Lettre de cachet. On n’en donnoit jamais, qu’elle n’annonçât la mort. C’étoit une feuille dont l’arbre étoit gardé chez le premier miniſtre ou kirzif, & qui étoit la marque de ſa puiſſance. Il étoit conſervé dans un pot d’une grandeur prodigieuſe, & enfermé d’une baluſtrade de fer fort ſerrée, dont le roi portoit la clef au col. Lorſqu’il vouloit ſe défaire de quelqu’un, il alloit lui-même chez le premier miniſtre, ouvroit la grille, arrachoit une feuille & la preſſoit ſur ſon viſage, dont elle recevoit d’abord l’empreinte, qu’elle conſervoit toujours.