Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/131

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Je sais bien d’où cela vient, ajouta-t-elle en pleurant ; j’ai promis quelque chose, après ma mort, à cette misérable fille ; elle voudroit déjà me voir bien loin : voilà ce que c’est que de faire du bien aux ingrats.

La vieille cependant vint à bout de se relever, & s’étant mise à table, elle ne cessa de gronder qu’elle n’eût chapitré toutes les vieilles qui vouloient excuser le moresse.

Sur la fin du repas, elles se mirent en belle humeur, & le vin leur ayant donné dans la tête, elles parloient toutes ensemble, & contoient chacune une histoire différente.

Accroupie, qui parloit des attraits de sa jeunesse, se fâcha de ce qu’on ne l’écoutoit pas ; elle voulut montrer à Prenany combien elle avoit eu la gorge belle étant jeune, & en seroit venue à bout, si elle n’eût été surprise par une toux violente, qui pensa la faire crever sur le champ. Ses amies se levèrent pour la secourir ; elle tenoit son gobelet plein de vin, qu’elle ne vouloit pas remettre sur la table, quoique ses compagnes lui criassent de le faire ; elle en répandit la moitié sur l’une d’elles, qui lui arracha le gobelet de colère, & lui jeta le reste au visage.

La furieuse vieille, ne pouvant parler, voulut donner un coup de poing à celle qui l’avoit in-