Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/264

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soucoupe & de la tasse, que c’étoit le breuvage dont la messagère lui avoit parlé, le refusa, en lui disant : Tu en as plus besoin que moi ; car comme tu sais que j’ai fait mourir ton fils, à cause des crimes qu’il avoit commis, je ne doute pas que ton cœur & ton foie n’en soient échauffés, & remplis de beaucoup de bile : c’est pourquoi je te prie de le prendre en ma présence, & de croire que je t’en serai aussi obligé que si je l’avois pris moi-même. Le visir fut un peu troublé de cette réponse ; & revenant à la charge : Aux dieux ne plaisent, seigneur, lui dit-il, que je vous obéisse en cette rencontre ; il n’appartient pas à un simple mortel comme moi de boire le nectar des dieux ; cette boisson est si rare & si précieuse, qu’elle ne peut convenir qu’à un grand monarque comme vous, qui êtes l’amour & les délices de l’empire.

Ce prince lui repartit, que quelque agréable que fût cette boisson, elle l’étoit encore davantage, étant présentée de si bonne grace, & par une personne dont il connoissoit le zèle & l’affection pour son service. Ainsi, sachant le besoin qu’il en avoit, il étoit trop de ses amis pour le priver d’une chose qui lui étoit si salutaire, & qu’à son égard elle lui seroit fort inutile.