Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/369

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son bon goût ; & comme l’état où elle se trouvoit demandoit de lui beaucoup de réserve, il se conduisoit auprès de la belle d’une manière obligeante, qui, sans lui marquer une passion blâmable, lui faisoit voir le pouvoir qu’elle avoit toujours sur lui.

Les deux amies devinrent inséparables ; & dans le temps que la nécessité du retour leur faisoit sentir davantage le chagrin de se quitter, la dame fut attaquée d’une fièvre qui mit bientôt sa vie en péril. La belle en parut inconsolable, & ne s’empressa pas moins la nuit que le jour à lui rendre tous les soins qui la pouvoient soulager ; mais la malignité de la fièvre vainquit l’art des médecins, & on fut contraint de lui déclarer qu’elle devoit songer à mourir. Dans ce triste état, ne voyant plus rien à espérer, elle dit à son mari, que puisque l’obstacle qu’elle avoit mis à l’engagement qu’il avoit avec la belle, cessoit par sa mort, elle le prioit de l’épouser, n’y ayant personne qui fût plus digne de lui. Elle expira dans ce sentiment, & ce ne fut pas sans coûter beaucoup de larmes à son mari & à la belle. Ils donnèrent à leur sincère douleur tout le temps que la bienséance pouvoit exiger ; & l’amour, qui étoit plutôt assoupi qu’éteint, s’étant réveillé sans peine dans le cœur de tous les deux, ils eurent