Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/384

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riage l’avoit réduit, il ajouta, que s’il pouvoit être assez heureux pour obliger l’aimable personne qu’il lui avoit mise entre les mains, à se déclarer en sa faveur, quoiqu’il en dût ressentir toute la douleur imaginable, il sacrifieroit ses intérêts à ce qu’il devoit à tous les deux ; mais qu’il le prioit de le dispenser de travailler lui-même à sa perte, & de s’attirer le juste mépris de celle qu’il aimoit uniquement, en préférant l’amitié à ce que l’amour exigeoit de lui.

Ce discours fut fait d’une manière si vive, que le mandarin en demeura pénétré. Il comprit toute la force de la passion de son ami ; & comme il n’avoit enlevé la demoiselle que par des vues d’intérêt, sans que l’amour y eût grande part, il auroit eu à se reprocher un injustice indigne de l’amitié qu’ils s’étoient jurée, s’il eût voulu lui ôter un bien qui devoit faire tout le bonheur de sa vie ; d’ailleurs on ne pouvoit adoucir le père, dont les procédures l’obligeoient à se tenir toujours en état de n’être point arrêté. La fille, dont il ne pouvoit espérer de toucher le cœur, n’étoit plus en son pouvoir ; & quand il auroit voulu s’en ressaisir, pour la mettre, par la force, dans la nécessité de l’épouser, il n’y avoit aucune apparence que son ami, qui ne vivoit que pour elle, eût pu consentir à cette violence. Ainsi, prenant le parti d’être