Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/413

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chagrin de ne la point voir lui avoit coûté, il ne croyoit pas s’être rendu digne du changement qu’il trouvoit en elle. La dame, toute réservée qu’elle tâchoit d’être, ne put tenir contre ce reproche ; elle répondit qu’elle jugeoit d’elle comme elle devoit, & que ne se connoissant aucun mérite qui engageât à la regretter, quand on ne la voyoit pas, elle étoit persuadée que l’éloignement n’avoit pas beaucoup troublé son repos. Cela fut dit d’un air vif, qui l’invitoit à une réponse vive, & il la fit dans des termes les plus tendres & les plus passionnés.

La belle veuve, qui prenoit plaisir à l’écouter, ne s’aperçut qu’un peu tard qu’elle lui souffroit des expressions qui ne convenoient qu’à un amant ; elle voulut y remédier, en lui disant qu’il ne songeoit pas qu’il lui parloit une langue qui ne devoit point lui être permise. Ces mots qu’elle prononça un peu en désordre, produisirent un effet qui développa pour l’un & pour l’autre leurs plus secrets sentimens. Elle rougit ; il s’embarrassa, & ils demeurèrent tous deux interdits, d’une manière qui leur fit connoître qu’ils étoient touchés de la même passion. La dame fut quelques jours sans en demeurer d’accord ; & se trouvant enfin obligée d’en convenir, elle résolut de faire