Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/461

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la plus expressive, & la plus soumise qu’il put, en le flattant, & en lui lêchant les pieds ; & depuis ce temps-là, s’attachant à lui comme à un généreux défenseur auquel il devoit la vie, il ne voulut jamais l’abandonner, & le suivoit par-tout comme un chien fidèle à son maître, sans offenser personne. Ce lion alloit toujours avec lui à la chasse, & il ne manquoit pas de le pourvoir abondamment de venaison ; mais ce qu’il y a de plus admirable, est qu’un jour ce prince étant entré avec le lion dans la chambre du prince son fils, & cet animal voyant que son maître carressoit & baissoit cet enfant, voulut aussi le caresser, en lêchant les pieds de son berceau, & se coucha dessous, comme pour lui servir de garde. Le prince, en s’en allant, l’appela, & venant à lui, il tourna la tête vers l’enfant, en remuant la queue, témoignant par-là la joie qu’il avoit de le voir. Étrange instruction de la nature, qui fait honte aux hommes, en leur donnant, ainsi qu’elle a fait plus d’une fois, des lions pour maîtres, qui leur apprennent ce que la raison a tant de peine à leur persuader, à savoir que l’ingratitude, si commune entre les hommes, effaçant en eux le plus beau caractère de l’humanité, les met au-dessous des animaux les plus farouches, à qui le charme d’un bienfait reçu fait perdre la férocité à l’é-