Page:Anthologie contemporaine, Première série, 1887.djvu/102

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rose ; les étonnements d’enfant en présence de la grande nature, quand les yeux, plus que l’esprit, interrogent un inconnu, un pourquoi, une fleur, un insecte, une libellule ou une coccinelle, quand la bouche est brûlée du désir constant d’embrasser toutes choses, parce que c’est beau !… parce que c’est gentil !…

Puis, plus rien…


À cette courte journée d’été avait succédé la nuit noire, éternelle, le chaos funèbre, aux couleurs sombres, l’abîme profond où la pensée se perd, tremblante d’horreur et de dégoût.


C’avait été par une belle matinée de printemps qu’elle avait connu les griseries de l’amour, — mais des griseries furieuses, bestiales, des griseries charnelles.

En pleins champs. Une chaleur de plomb accablante. Le grésillement des insectes tintait pareil aux craquements d’une tôle chauffée à blanc. Aucun souffle n’agitait les feuilles qui semblaient engourdies dans cette moiteur de fournaise.

Ils s’étaient égarés, tous deux, sans savoir comment. Ils se tenaient le bras ; leurs mains se touchaient, — des mains chaudes, flasques.

Ils ne se parlaient que par monosyllabes, trop las, comme engourdis, sans force.

Puis, tout à coup, il lui avait murmuré, à voix basse, la bouche tout près de sa nuque :

— « Ce serait si bon de s’aimer !… si bon !… »

Et, comme elle avait ri, ne comprenant pas ce qu’il voulait dire, il lui avait collé les lèvres sur les siennes, follement, avec furie, avec rage .........................

Aucune larme ne lui était monté aux yeux : elle était comme abêtie, l’esprit vide, le corps moulu.

Et, depuis ce jour, elle s’était sentie à chaque instant jetée dans des crises de désespérée avec des envies de mordre,