Page:Anthologie contemporaine, Première série, 1887.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14

vénération… Ils disent d’eux : Quel exemple ! quelle vieillesse ! Admirable récompense d’une vie de labeurs !…

Oui, on les cite aux jeunes gens récalcitrants à se marier. Plus d’un, pressé par quelque bonne âme, cherchant pour refuser des raisons dans la fragilité du bonheur conjugal, s’est entendu dire :

— Regardez donc Baucis ! regardez Philémon !

Et je ne répondrais pas qu’il ne se soit pas incliné devant ce couple, auguste par la double majesté de l’âge et d’une tendresse qui semble avoir traversé la vie tout entière sans avoir rien perdu de son intensité.


LES GRANDES DAMES ARTISTES

MADAME G. de MONTGOMERY, poète

Grande, forte, le visage éclatant de fraîcheur, les cheveux blonds simplement noués sur le sommet de la tête, et relevés droits sur un jeune front plein de pensées, les yeux et le sourire candides d’une enfant, la voix douce, la simplicité de haut goût d’une femme de bonne compagnie, voilà la première impression qu’on reçoit d’elle ; à peine a-t-elle parlé, on a la subite sensation qu’on se trouve en face d’une nature très droite et très élevée ; l’estime vous vient aussitôt ; elle s’impose d’emblée, au lieu d’être gagnée lentement ; on la sent chevaleresque jusqu’au bout de ses ongles fins, et hardiment dégagée des mesquineries féminines. C’est une combattante qu’on a sous les yeux, une combattante pour l’honneur, la gloire, la patrie, et toute la vaillance de sa race et de celle du grand nom qu’elle porte se devine sous la grâce de la femme du monde, comme elle se décèle dans le volume qui vient de la révéler poète plein de sève et d’énergique talent.

Par son arrière grand-mère qui était une Fergusson, Madame de Montgomery est d’origine écossaise : par son grand-père, qui fut le célèbre miniaturiste Hall, elle est Suédoise. — elle est alliée aux familles d’Étampes, de Caglus, de Bizemont, de Lagrange, de Lambel, de Plinval. Son père et sa mère, Monsieur et Madame Ditte, passaient tous les étés dans leur château de Saint-Paul en Seine-et-Oise ; c’est là qu’est née la future Madame de Montgomery, le 2 septembre 1861. Ses parents désiraient très vivement un garçon. Madame Ditte sûre du sexe de son enfant, lui ayant déjà choisi un prénom masculin, le rêvait noble, fier,