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À MON MAITRE

SULLY PRUDHOMME
JE DÉDIE CES VERS

Février 1887

LE CAHIER D’UN RÊVEUR

À LA GLOIRE

Oui, j’ai le cœur tout plein d’angoisse et de détresse,
Et pourtant il fait beau, le ciel est d’un bleu doux.
Mais poète enfiévré je meurtris mes genoux
À vous glaner des fleurs, ô Gloire, ô ma maîtresse !

Vous à qui j’ai donné tout mon sang, tout mon cœur,
Vous pour qui je dédaigne et l’amour et le monde,
Quand donc baiserez-vous ma jeune tête blonde
Et quand de l’avenir me rendrez-vous vainqueur ?

Je sais que pour vous plaire il faut donner sa vie,
Il faut donner ses jours, ses pensers, ses désirs ;
Je sais qu’il ne faut plus chercher les vains plaisirs,
Aussi j’ai tout laissé, l’âme fière et ravie.

Et je serai vraiment bien content de mon sort
Si, m’endormant tranquille, heureux de ne plus vivre,
De tendres amoureux, en feuilletant mon livre,
Me donnent un regret, lorsque je serai mort.


Fontainebleau, 1886.