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ALCOOLS

Quand les heures tombaient parfois comme les feuilles
Du cep lorsqu’il est temps j’entendis la prière
Qui joignait la limpidité de ces rivières

Ô Paris le vin de ton pays est meilleur que celui
Qui pousse sur nos bords mais aux pampres du nord

Tous les grains ont mûri pour cette soif terrible
Mes grappes d’hommes forts saignent dans le pressoir
Tu boiras à longs traits tout le sang de l’Europe
Parce que tu es beau et que seul tu es noble
Parce que c’est dans toi que Dieu peut devenir
Et tous mes vignerons dans ces belles maisons
Qui reflètent le soir leurs feux dans nos deux eaux
Dans ces belles maisons nettement blanches et noires
Sans savoir que tu es la réalité chantent ta gloire
Mais nous liquides mains jointes pour la prière
Nous menons vers le sel les eaux aventurières
Et la ville entre nous comme entre des ciseaux
Ne reflète en dormant nul feu dans ses deux eaux
Dont quelque sifflement lointain parfois s’élance
Troublant dans leur sommeil les filles de Coblence

Les villes répondaient maintenant par centaines
Je ne distinguais plus leurs paroles lointaines

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